Historique du KARATE SHOTOKAÏ LYONNAIS par B. MONNERET

– Début KARATE en France et dans le Lyonnais

Je pratiquais le Karate « SHOTOKAN » depuis les tous premiers jours de son apparition en France, avec Henry PLEE, A. PICARD, les Maîtres OSHIMA, Hiroo MOCHIZUKI (avant qu’il ne vienne au Wadoryu), aux alentours des années 1955.
J’ai eu le privilège d’être, avec mon ami Simon MOSHIETTO (ASPTT), à être les deux premiers à pratiquer cette discipline dans notre région.

– Pourquoi choisir SHOTOKAÏ

Cependant je ressentais, après quelques années, une certaine contradiction entre l’AÏKIDO, que je pratiquais par ailleurs et cette forme de Karate… autant dans la forme très tendue et courte, que dans les principes axés essentiellement sur la rivalité et où l’adversaire devenait avant tout un véritable ennemi… Les compétitions d’alors, (car le pas de cette déviance sportive avait vite été franchi), ressemblaient davantage à des combats de rues, brouillons qu’à de simples affrontements.

– Cours de Perfectionnement avec Bernard MACQUIN et découverte du SHOTOKAÏ

Bernard MACQUIN qui descendait régulièrement sur Lyon au CASCOL durant les années 1960 pour nous conseiller : (nous quelques précurseurs lyonnais ainsi que Mr et Mme Biliky de Roanne, (père et mère de l’entraîneur national actuel) , nous fit prendre conscience qu’il existait une autre approche du Karate, plus en conformité avec ce que j’espérai . C’est donc vers 1963 que nous avons progressivement découvert le SHOTOKAÏ.

– Séries de stages avec Marc BASSIS

Avec quelques anciens dont Roger Battagliotti, Christian Ruiz de Mâcon, puis plus tard Arthur Fakrikian, nous avons régulièrement suivi les stages de Marc BASSIS à Avignon ou à Paris où nous retrouvions les Javon, Schneider et autres anciens , pour s’astreindre à des entraînements (assez style commando). Il fallait, entre autre, courir longtemps, pieds nus sur les routes des alentours, avant de pouvoir espérer comprendre, sinon ressentir le B.A.BA du Kime ! … Il était évident que pour approcher Shotokaï, il fallait auparavant devenir un véritable Samouraï !…
Marc Bassis était néanmoins une sorte de phénomène à l’indéniable capacité, sachant être un très bon pédagogue (lorsqu’il ne réglait pas ses comptes avec la vie), mais au sens du commandement quelque peu exacerbé encore mis en valeur par un franc parler naturel.

Peut-être que son choix, plus tard, de s’orienter vers le Shintaïdo lui aura apporté toute la tranquillité souhaitée et méritée …

– HARADA Senseï

Simultanément nous suivions les stages d’ HARADA Senseï à Bruxelles (chez M. Nassens) ou à Nancy. (au club de Judo de Schneider) puis à MACON (chez Ch. Ruiz).
Cet Expert très surprenant faisait alors figure de sommité incontestée en Shotokaï. Durant les stages et entraînements, nous faisions alors beaucoup d’outsagui-tobi et Daï-outsagui, des préparations physiques avoisinant les 45 minutes qui laissaient les pratiquants totalement exténués avant même d’avoir commencé le moindre exercice spécifique ! Le geiko portait essentiellement sur un Kihon interminable, aux positions très basses, beaucoup de Taïkioko, exceptionnellement quelques Heihan, des exercices d’attaques continuelles, en tsuki et d’esquives libres (que nous appelions « Filling »). Là encore l’exercice devait être mené aussi loin qu’il était possible… L’attaquant finissait souvent par s’écrouler d’épuisement, en limite de syncope…

Harada-Senseï, qui avait une position plus proche de sanchin-dachi que d’un zen-kutsu classique, affectionnait pour lui-même presque exclusivement un travail de sensations sur des attaques tsuki faites de dos, ou attaques avec bokto (gros boken). Il excellait dans ces sortes de recherches d’IRIMI.

– Entraînement des Lyonnais avec JAVON de Valence :

Nous, les lyonnais avons à cette même époque (1971/1975) également beaucoup travaillé avec Javon de Valence, (autre inconditionnel de Bassis), qui venait régulièrement à Lyon : CLAM et INSA, et qui calquait harmonieusement sa pratique sur un compromis entre Marc Bassis et Harada Senseï (bien qu’il se soit alors, démarqué de ce dernier…) ; Il avait tout de même un penchant prononcé sur ces fameux outsagui-tobi, qu’il pratiquait à l’infini !

– Rupture avec groupe de Me HARADA et groupe JAVON

Néanmoins les curieuses sautes d’humeur d’Harada senseï, malgré ses indéniables facultés d’anticipations, étaient difficiles à juxtaposer à l’esprit Budo qui aurait dû se dégager de ces formes d’entraînements ascétiques !…
C’est ainsi que durant un stage de weekend que nous avions organisé à Lyon, courant 1975, ce dernier suite à une impolitesse flagrante de Javon, (s’imposant au restaurant où nous passions la soirée), vexé décida d’interrompre instantanément le stage !

Nous dûmes contris, continuer seuls à animer celui-ci, pour ne pas abandonner les élèves venus spécialement, (certain de Marseille ou autres villes extérieures…) !
Comme Harada-Senseï nous avait sommé, (bizarement !) de choisir entre lui-même et l’ami Javon et que le marchandage n’entrait pas dans notre compréhension de l’Esprit-Budo, nous cessâmes dès ce jour de travailler avec l’un et l’autre!…

A noter qu’il nous avait précédemment signalé publiquement, cesser ses fonctions de délégué Shotokaï. En nous apprenant qu’elles seraient dorénavant assumées par Monsieur MURAKAMI Tetsugi….

– Poursuite de notre étude seuls

Durant quelques années nous fîmes route seuls, en tentant de décrypter laborieusement les spécifités Shotokaï…. Mais un groupe soudé prenait corps à Lyon d’où émergeaient déjà quelques uns des futurs hauts gradés actuels de notre discipline… A savoir : Bernard Gallice, Arthur Fakrikian, Jean-Louis Martin, Jean-Pierre Maniquant, Jean-Patrick Merlin, Alain Mitrani, André MORELLO, Angélo Messinéo, Jean-François Lamotte, Christian Maufroy, Jacques Cochet, Michel Lacoste, Jean-Pierre Aguillo, Jean-Claude Guyot, Goujat, Robert Basset … Certains se sont arrêtés depuis, d’autres ont bifurqué en cours de route ou ont quitté la région ou hélas sont décédés ! ….
Nous pûmes ouvrir, grâce à ces anciens, plusieurs sections régionales Shotokaï. Nous nous réunissions mensuellement sous forme d’interclubs, dirigés par le professeur recevant ou au club lors d’entraînements communs.

Plus tard, un gala propre à notre discipline fût même organisé dans la région durant lequel chacun montrait sa propre pratique ! Parallèlement nos rapports avec la Ligue du Lyonnais s’amélioraient nettement de même que notre niveau général….

– Rencontre avec Maître MURAKAMI

Maitre MURAKAMI
Bernard GALLICE du CLAM, fut le premier de notre groupe à avoir eu le réflex de chercher à rencontrer Maître MURAKAMI. Il le fit en premier lieu à Paris où il séjournait alors occasionnellement. Il le fit ensuite à SERIGNAN, lors d’un stage d’été, pour confirmer sa première impression favorable. Puis il tenta de rejoindre un autre stage à Paris, avec deux autres accros de notre groupe en hiver 1975… Le destin en décida autrement : un terrible accident de la route ajourna toutes autres tentatives et frappa lourdement l’équipe.

Ce n’est qu’au printemps 1978 que B.G. sût nous convaincre d’aller participer avec lui-même et plusieurs anciens (dont A. Fakrikian et A.Morello, qui avaient également entre temps, tous deux pratiqués à Mercoeur), à un stage exceptionnel de week-end dirigé par MURAKAMI Senseï à Châlon sur Saône (Expert discret, que je n’avais jamais eu l’occasion auparavant de rencontrer, alors qu’il résidait pourtant en France depuis 1958 !).

Deux autres jeunes japonais participaient à ce stage : Mrs FUJITA et KAMEDA… avec qui nous sympathisâmes et firent nos premiers stages à la Fac de sciences et au CLAM, courant 1978.

Avant de s’entendre avec Maître Murakami pour instaurer un cycle de deux stages annuels à LYON, avec lui-même, en Novembre et Mai. Ce qui fut fait et suivi dès 1979 !

Nous fûmes tranquillisés par le sérieux de cet Expert, qu’il était évident d’appeler Maître, tant son comportement était polyvalent.

Tous ceux qui assistaient à ces cours, même Experts d’autres disciplines, étaient agréablement surpris par le sérieux, le dynamisme et la compétence qu’il apportait à ceux-ci. Ses préparations étaient également erreintantes mais extrêmement normalisées. Son propre travail était exactement en phase avec son enseignement. C’est à dire très étiré vers l’avant et très souple. Ses cours étaient bien équilibrés, précis, variant du Kihon strict à l’Ippon Kumite extrêmement construit, en passant par tous les katas fondamentaux et supérieurs. A cela s’ajoutait un exercice d’attaque tsuki et d’esquive aux déplacements pré-établis, appelés MIDARE, à base de rythme en parfaite synchronisation ; Très spectaculaire et convaincant lorsque bien exécuté.

Peut-être, certains pratiquants vexés par ses remontrances « percutantes » (très Martiales) pourraient lui reprocher un peu d’excès de rigueur à vouloir faire ainsi accepter ses convictions techniques ! …

A ce travail bien cadré, le personnage était une sorte de compromis entre le Samouraï grand teint, organisé et un Monsieur tout le monde, parfaitement humain, simple et élégant à la fois, toujours une pipe à portée de main.
Il était concerné par toutes choses que ce soient l’histoire des peuples et celle journalière de l’actualité diffusée par la presse, par la finesse gastronomique, par l’atmosphère d’un lieu, par les combats de Sumo.
Il avait de plus une très bonne connaissance et compréhension des différentes religions et philosophies avec des opinions personnelles, très judicieuses sur chacunes…

Il sut organiser et faire perdurer ces traditionnels rendez-vous de l’été à SERIGNAN-Plage pour d’épiques stages de Karate Shotokaï.

– Rapports du Maître Murakami avec la FFKMA

Il avait évidemment un parfait respect pour l’ordre, la discipline et l’organisation. A ce titre il tenait à être en concordance avec la Fédération Française de Karate, et incitait chacun à en faire de même. Il s’appliquait invariablement à figurer aux manifestations importantes organisées par celle-ci. Lorsqu’il venait à Lyon, il souhaitait être présenté aux responsables locaux du Karate Lyonnais. Il a toujours cherché à développer un courant de respect mutuel et de sympathie, bien au-delà de toutes vaines querelles de clochers !

C’est par son intermédiaire que les premiers passages de ceintures noires Shotokaï prirent naissance, puis que fut créé Shotokaï-France… succédant au MURAKAMI-KAÏ
Hélas la maladie rattrapa et terrassa ce maître valeureux, consciencieux et organisé, bien trop tôt puisqu’il n’avait que 59 ans à sa mort en janvier 1987.

– Reprise des cours et Stages par son second : Patrick HERBERT

Patrick Herbert
Depuis plusieurs années Maître MURAKAMI Tetsugi lorsqu’il venait à Lyon, se faisait accompagner et seconder par l’un de ses fidèles anciens : Patrick HERBERT, extrêmement démonstratif et sympathique. Sa constitution de longiligne, d’une grande souplesse et sa compréhension, lui permettait (et lui permettent évidemment toujours), de réaliser parfaitement les différentes techniques proposées ou Katas, tout en apportant des explications rationnelles aux divers exercices. Commentant l’idée première du Maître.

Lorsque le Maître fut hospitalisé, il assuma seul l’intérim pour les différents stages nationaux en cours. Et lorsqu’il disparut, quelques jalousies intestines ou ambitions personnelles, surprenantes d’anciens, (jusque-là pratiquement inexistants, hors de leur Dojo d’origine!), ne nous permirent pas de construire l’unité nationale espérée, logique hommage au Maître décédé.
Une regrettable scission eut lieu coupant notre groupe national, en deux puis trois parties d’inégales importances, à l’interprétation plus ou moins crédible…. Certains désirant se figer à vie, sur les derniers enseignements d’un absent … D’autres montraient tout autre chose…

– Notre choix régional d’un chef de file Shotokaï : Patrick HERBERT

Notre choix régional était fait : Patrick HERBERT serait celui qui nous aiderait à progresser dans cette voie Shotokaï !…
Patrick s’avéra vite être le bon chef de file que nous espérions. Il ne se contenta pas d’être le fidèle disciple d’un enseignant disparu… .Mais sut au contraire, apporter et communiquer ses propres sensations aux bases transmises.

Autant Maître Murakami s’imposait une façon presque rigide de transmettre sa conception Shotokaï, autant Patrick sut être créatif, tout en conservant l’essentiel de cette voie de la souplesse, de l’adaptation et de l’anticipation…

Le Budo est dit-on, à l’image de la vie en perpétuelle évolution, notre « mentor » s’évertua et s’évertue toujours dans ce sens, à adapter la technique aux acquis véhiculés par d’autres courants, tout en tenant compte des valeurs ancestrales immuables !

Tout en ayant une solide culture dans les différents domaines propres aux arts martiaux, il a le sens pédagogique, trouvant instantanément l’erreur… ou créant des exercices décomposés pour faciliter l’acquisition et la coordination voulue.

D’autre part il sait maintenir une atmosphère détendue durant les cours en conciliant autorité et camaraderie, sans le moindre excès de part ou d’autre.

Il s’encadra de dirigeants compétents et dévoués pour poursuivre l’avancée.
Avec eux ils consolidèrent la nouvelle association Shotokaï, l’élargirent même à l’Europe pour officialiser une situation ambiguë entre autres pour nos pratiquants voisins de Suisse et d’Italie.

Sous la férule de Patrick et de notre président Pierre PRENERON, ils créèrent des séminaires annuels de hauts gradés et de professeurs, pour mieux percevoir et comprendre les tendances et souhaits de chaque.

Ils assurèrent la continuité des stages parisiens de Noël et de Pâques, ainsi que la pérennité de celui d’été de Sérignan en veillant à établir un calendrier équilibré des stages provinciaux.

Ils transformèrent la carte spécifique Shotokaï, confirmant les grades et les acquis du pratiquant et oeuvrèrent efficacement à toutes tâches nécessités pour une meilleure coopération.

En bref notre équipe dirigeante SHOTOKAÏ oeuvre efficacement dans l’ombre, à tout ce qui peut faciliter les recherches de nos pratiquants

Historique fait le plus objectivement qu’il m’était possible sur ces quarante années SHOTOKAÏ pour témoigner de ces périodes… Par l’ un des plus anciens pratiquant actuel de Karate et des différents BUDO, 73 ans dont 57 années actives au sein des DOJO ; Sur les tatamis depuis 1947,(3ème dan Judo, 6ème dan Aïkido, 3ème dan Karate, 1er dan Kendo, 1er dan Iaïdo) .

Enseignant depuis 1955 (toujours partiellement en activité), Fondateur et responsable du C.L.A.M.à Lyon (1965 à ce jour), (précédemment Karate-club des Brotteaux (1961 à 1965) et CASCOL (de 1958 à 1965) où le Karate Shotokaï est ou a été pratiqué. Président ou vice-président de diverses associations gravitant autour de ces disciplines : Ligue Rhône Alpes d’Aïkido FFAAA, Comité du Rhône, ancien responsable administratif Shotokaï régional.. Ai été membre de Commission nationale des grades Aïkido, du collège des ceintures noires etc.

Ai eu également et surtout la joie de former de nombreuses ceintures noires dans chaque discipline, et plus encore celle d’avoir transmis un peu de cette plénitude que nous apporte à tous le BUDO.

Bernard MONNERET